Le codex d'Archimède

Désolé de vous avoir abandonné quelques jours mais pendant que je cherchais un angle d’approche original pour poursuivre ma série de billets sur le portail de la vierge de la cathédrale de Metz, je suis tombé par hasard sur un livre tout à fait passionnant.

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Vous avez tous entendu parler d’Archimède. Au minimum vous savez qu’il courait nu dans la rue en criant Eurêka après avoir découvert dans sa baignoire qu’un corps immergé dans un liquide plus de 10 min est considéré comme perdu. En fait, la citation exacte est : «Tout corps plongé dans un liquide reçoit une poussée verticale
dirigée de bas en haut, égale au poids du volume du liquide déplacé. »

D’autres se rappellent vaguement qu’il a brillamment défendu Syracuse contre les romains en incendiant leurs galères à l’aide de rayons lumineux dirigés par des miroirs concaves. Cet exploit est rapporté par Vitruve, l’architecte de référence du 1er siècle dont je vous parlais dans le billet sur Pourquoi en 3D.

Ces anecdotes semblent pourtant bien simplistes ou ésotériques. En réalité Archimède est un très grand mathématicien de l’antiquité. Il serait né vers 287 avant JC à Syracuse en Sicile et il aurait été tué par un soldat romain lors de la prise de Syracuse en 212 avant JC (d’après Plutarque). Les plus scientifiques d’entre nous savent qu’il est en réalité connu pour son approximation du nombre Pi ou pour ses travaux de physique sur les centres de gravité : «donnez moi un point d’appui et un levier suffisamment long et je soulèverai le monde». Sa défense légendaire de Syracuse est très certainement dû à sa capacité à régler précisément le tir des catapultes grâce à ses études sur les leviers.

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Le livre dont la couverture ci-dessus n’est pas très engageante relate la découverte et l’étude d’un livre de prière du XIIIième siècle.
C’est un codex : le format de reliure des livres actuels qui est plus compact et plus pratique à consulter que les rouleaux de papyrus. C’est également un manuscrit, écrit à la main par un scribe sur un parchemin : de la peau de bête tannée. C’est même plus précisément un palimpseste : un parchemin réutilisé. L’ancien parchemin est gratté, retraité, redécoupé puis ré-écrit. Sous le livre de prière du XIIIième siècle apparaît des textes d’Archimède dont certains étaient oubliés ou inconnus.
Vous avez ci-contre un aperçu d’une page où le texte grec apparaît sous le texte de prières.

Si par hasard vous avez déjà terminé l’Histoire de l’Art de Gombrich que je vous recommandais dans le billet  Ce sont des protestants qui ont construit la cathédrale de Metz ? ou si vos vacances vous permettent de lire un livre supplémentaire. Je vous recommande chaudement Le codex d’Archimède de William Noel et Reviel Netz. L’histoire de ce codex est une véritable enquête policière qui débute au IIIième avant JC et se poursuit jusqu’en 2007, avec destruction, modification, pertes, vols, faussaires … Vous y découvrirez des notions d’études de textes anciens en comparant les sources : la phylologie, les techniques scientifiques utilisées pour restaurer les livres anciens et pour déchiffrer les textes effacés. Ces techniques vont de la lumière bleu des Experts (la simple lampe à utra-violet) à l’usage d’un ancien accélérateur de particules de la taille d’un terrain de football en passant par les réseaux neuronaux. Les notions mathématiques abordées sont aisément compréhensibles pour un élève de collège. Seules les conséquences mathématiques sont un peu abstraites.

Pour terminer et vous laisser l’eau à la bouche je ne vous dévoilerai pas si la découverte du texte perdu du Stomachion permet de prouver qu’Archimède maîtrisait le calcul combinatoire alors qu’on pense que ce calcul n’a été découvert qu’au XVIIième siècle. Le Stomachion est le puzzle de 14 pièces ci-dessous. L’objectif est de trouver toutes les possibilités d’assemblage de ces 14 triangles pour former un carré.
120px-StomachionConstruction.png La seule critique est que l’écriture alternative des chapitres soit par Noel - le chef du projet, soit par Netz - le spécialiste des mathématiques grecques, est très abrupte et dans un premier temps un peu déroutant.

Je vous souhaite par avance une excellente lecture.

Ooops, j’allais oublier quelques références.
Les images du stomachion et de la page proviennent de Wikipedia.
Le projet de déchiffrage n’est toujours pas fini et toujours actif. Sur le site The Archimedes Palimpsest Project Web Page vous pouvez consulter les images en très haute définition et sans doute contribuer, si votre niveau de grec le permet ;-)