Restauration portail de la vierge, une reconstruction

Les festivités pour les 800 ans de la reconstruction gothique de la cathédrale de Metz apportent la réédition d’un bon nombre de documents dans de meilleurs définitions que ceux qui étaient disponibles, lors de l’ouverture de ce blog, il y a une dizaine d’année.
La qualité des ressources en ligne augmente également, aussi bien avec Gallica que le récent projet Limedia où l’on accède désormais à un certain nombre de ressources numériques de quatre bibliothèques du sillon lorrain.
Pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer pour assister aux conférences, aux expositions temporaires ou encore acquérir l’onéreux ouvrage qui vient d’être publié1 je vais exploiter ces ressources pour compléter certains billets ou faire découvrir de nouvelles questions.
Même si les nouveaux documents sont très rares2, réexaminer d’ancien documents sous d’autres points de vue est toujours profitable. Ces points de vue sont en réalité des révélateurs des questions de notre époque. Par exemple ce blog s’intéresse plus spécifiquement à la vulgarisation et à l’usage des ressources numériques.

Ce premier billet de l’année va compléter la question de la restauration du portail de la Vierge. Ce sujet est actuellement évoqué dans l’exposition temporaire dans la cathédrale. La proximité de deux reproductions de la photo de Malardot de 1868 lors de la redécouverte du portail après le démontage des constructions de Blondel et d’une vue après la restauration de Tornow de 1885 permet de se rendre compte que les contreforts du cœur de Notre Dame de la Ronde ont été préservés et sont de très bon repères pour estimer l’étendu de cette restauration.

Voici ci-dessous, à partir de deux photos des frères Prillot, les points remarquables :

Prillot: portail de la Vierge 1878 Prillot: portail de la Vierge 1935

Il apparait rapidement que le portail a été grandement modifié. Il est totalement démonté en 1878. Le nouveau portail est inauguré à Pâques 1885 : il se situe 1m50 plus bas que le portail original.

En utilisant les contreforts du cœur comme repères, on peut positionner côte à côte trois représentations avec le même angle de vue du portail: la photo de Malardot de 1868, le projet initial de Tornow en 1876 puis le portail final photographié par Prillot en 1892:

Reconstruction du portail de la Vierge de 1868 1885

Tornow prévoyait dés 1876 une très large reconstruction du portail en ajoutant des éléments qui n’ont jamais existé comme la toiture, les gargouilles ou l’inscription erronée au fronton, les sibylles, prophètes, vieillards, anges et rois de l’intrados et surtout les sculptures symboliques qui font fantasmer les fans d’ésotérisme, adeptes des trente-trois degrés de la sagesse de Christian Jacq. Ces dernières n’ont, malheureusement pour leurs croyances, rien de médiéval (et encore moins d’égyptien).

Tornow est allé jusqu’à «corriger l’erreur» médiévale en inversant la position des vierges folles et des vierges sages. Cela devient alors un témoignage significatif de la présomption du XIXème siècle à comprendre le passé. On peut y voir également l’influence transfrontalière de Viollet-le-Duc pour qui restaurer c’est «rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné».

Sources des illustrations

  • Prillot 1878 en ligne galeries.limedia.fr
  • Prillot 1935 en ligne galeries.limedia.fr
  • Prillot 1892 en ligne galeries.limedia.fr
  • Malardot 1868 «La grâce d’une cathédrale», Collectif, Nuee Bleue-Du Quotidien. 2019
  • Projet Tornow 1876 «La grâce d’une cathédrale», Collectif, Nuee Bleue-Du Quotidien. 2019
  1. Qui contient malheureusement des erreurs étonnantes comme la disparition d’une soixantaine de références aux notes de fin d’ouvrage des six premiers articles.
  2. Je vous dévoilerai ces quelques découvertes ultérieurement. Parfois il s’agit de documents dont l’intérêt avait échappé aux chercheurs.