Modéliser l'aqueduc avec Blender

Il est temps d’apprendre à modéliser un bâtiment dans Blender. Ce sera l’occasion de découvrir l’usage basique de ce logiciel de 3D. J’aurai certainement du commencer par cette étape mais j’ai préféré vous mettre en appétit en vous présentant d’emblée l’objectif de cette modélisation 3D.

Pour commencer, il est toujours bon de s’intéresser à l’histoire des techniques et outils employés. Acquérir ces éléments de contexte permet de mieux appréhender les variations dans les diverses documentations disponibles.

Contexte

Il faut alors savoir que la représentation tridimensionnelle (3D) est globalement découpée en trois grands domaines : la modélisation où l’on construit (sculpte) les objets, le rendu qui à partir des textures, des lumières, du moteur de calcul «peint» chaque image et pour finir l’animation qui prend en compte un environnement physique où les objets se déplacent.

Blender est un logiciel où la modélisation est surfacique : on ne dispose que de points (vertices), lignes (edges) et surfaces (faces / mesh). Les volumes sont vides. Les objets ne sont, en principe, pas définis par des contraintes de paramètres.1

Blender a été développé à la fin des années 90, par une petite société néerlandaise. Ce logiciel était destiné à la création d’animations. Bien que le code était propriétaire, il était réalisé presque exclusivement avec des outils libres. Une version avec des fonctionnalités limitées était diffusée gratuitement. Après la mise en faillite de la société qui distribuait les fonctionnalités payantes, Blender aurait pu disparaître. Cependant, en 2002, le code source a été mis en vente et a été racheté par la communauté pour être depuis diffusé sous licence libre. Une fondation gère depuis l’organisation du développement et de nombreuses améliorations et fonctionnalités ont été ajoutées. Cela va de la possibilité d’ajout de fonctionnalités par plugin (Add on), à un moteur de jeu ou de nouveaux moteurs de rendu.

Certains tutoriaux proposent alors d’anciennes méthodes de travail qui ont depuis été améliorées. Il faut alors les lire (ou les visionner) en les replaçant dans leur contexte historique et distinguer l’essentiel du cas particulier.

D’autre part, le développement d’origine ne prévoyait pas une si large diffusion, ni les multiples usages actuels. On retrouve alors plusieurs curiosités dans l’interface graphique qui peuvent dérouter les usagers de logiciels plus classiques.2

Je vous propose alors dans ce billet les connaissances minimales pour pouvoir débuter une modélisation 3D avec la version 2.79 de Blender. Normalement, les notions abordées sont suffisamment générales pour être conservées dans les futures version de Blender et devraient permettre de comprendre d’anciens tutoriaux.

Modélisations des arches de l'aqueduc

Interface

Pour commencer, le démarrage de Blender affiche par défaut 4 fenêtres. La fenêtre (1) est la fenêtre (3D) de travail. La (2) (Outliner) permet de gérer les objets. On peut les masquer (œil), les verrouiller (flèche), les retirer du rendu (photo).

La (3) permet de gérer les propriétés. Sur l’image ci-dessus il s’agit des propriétés des matériaux utilisés sur la modélisation de l’arche. Les onglets de cette fenêtre permettent d’accéder à la gestion des propriétés de l’image ou de l’animation générée, de la lumière de la scène, …. La quatrième fenêtre est par défaut la gestion de la timeline d’animation. Ici il s’agit d’une visualisation du mapping des textures de l’arche (UV/Image Editor).

Les fenêtres C’est l’occasion de découvrir une première particularité de l’interface de Blender. Chaque fenêtre peut afficher, au choix, une bonne douzaine de type de fenêtres différentes (9). On peut alors afficher 4 fenêtres “3D” ou les “préférences utilisateurs”, un gestionnaire de fichier, le montage vidéo (NLA Editor). De plus, tous les bords de fenêtre sont actifs. Le bouton gauche de la souris permet de les redimensionner. Une vrai originalité de Blender est que le bouton droit permet de diviser les fenêtres (ou les joindre). L’interface est alors totalement adaptable pour tout utilisateur. Cela peut être perturbant.

Séparation et jonction de fenêtres

Certaines fenêtres peuvent également disposer de panneaux supplémentaires accessibles par le signe + (5). En particulier, le panneau gauche (6) de la fenêtre de travail 3D donne accès aux outils. Ici, les outils de manipulations des points lorsque nous sommes en mode édition. Il existe également un grand nombre de raccourcis claviers qui permettent d’éviter les manipulations de souris. Par exemple la touche “tabulation“ permet de passer ou sortir du mode d’édition des points.

Le second panneau de la fenêtre 3D (7) donne accès à un grand nombre de paramètres. Par exemple la position précise de chaque point. On voit sur notre première image que le point sélectionné se trouve à 4,5m du point de référence (entouré par le curseur 3D rouge et blanc).

De façon plus générale, toutes les fonctionnalités ou outils sont accessibles historiquement par le menu dans la barre (9), par un raccourci clavier, un menu contextuel (lancé par la barre espace) et pour les versions récentes de Blender par les panneaux latéraux. Les tutoriaux en ligne vont alors varier en fonction de la version utilisée, la date de création ou des habitudes de l’auteur.

Images de fond

Le panneau de droite de la vue 3D permet de placer des images de fond (8). Ces images ne font pas parti du rendu final, ni des vues en perspective. L’usage de plans comme images de fond permet de modéliser un bâtiment.

Le pavé numérique sélectionne le type de vue 3D :

  • 7 affiche la vue de dessus
  • 1 pour la vue de face
  • 3 pour la vue de côté
  • 5 permet de passer d’une vue perspective (peu pratique pour modéliser) à une vue orthographique

Vue de dessus

On peut noter, dans la fenêtre de paramètres, le choix de l’unité de mesure de la scène en mètre. Le cube d’origine fait alors 2 m de côté. Nous allons utiliser ce cube pour définir l’échelle de notre modélisation.

Une image de fond peut être associée à chaque axe. Les paramètres de l’image permettent de finement positionner le plan et le mettre à l’échelle.

Vue de côté

J’ai utilisé ici, pour une raison purement esthétique, les images de L’«Histoire de Metz» de Dom Jean François et Dom Nicolas Tabouillot publiée entre 1764 et 1790 dans la version rééditée en 1974. Il s’agit de belles images mais elles ne sont pas très précises, d’autant plus que l’on ne sait pas s’il s’agit de toise lorraine (2,8593 m) ou de toise française (1,9440 m). Lorsque je m’attaquerai réellement à la modélisation du bassin de Jouy, j’utiliserai les plans et relevés contemporains.

Lorsque les images de fond sont positionnées et mises à l’échelle, nous pouvons démarrer la modélisation:

4 vues de modélisation du bassin de Jouy

Créer

Pour commencer, après avoir choisi le vue de dessus on peut ajouter un premier plan (panneau de gauche Create). Mon conseil est de renommer immédiatement ce “Plan” par un nom significatif. Sinon on se retrouve en fin de modélisation avec un grand nombre de “Plan” impossibles à distinguer dans la fenêtre Outliner.

Le plan est positionné sur le curseur 3D défini par un clic à la souris. Il peut ensuite être finement ajusté avec les paramètres du panneau droit.

La touche tabulation permet de passer en mode édition.

Sélectionner

Le clic droit permet de sélectionner un point, Shift + clic droit permet la sélection de plusieurs points. Un clic droit pour sélectionner n’est pas le comportement courant d’un logiciel. La future version 2.8 permettra d’inverser ce choix historique.

La touche B est utile pour définir une zone de sélection. Par défaut seuls les points visibles sont sélectionnés. On peut basculer en mode sélection des points masqués (en arrière plan) avec le bouton (10) de la première image.

Déplacer

Les points sélectionnées peuvent être déplacés avec la souris ou précisément avec les zones de saisie du panneau droit. La touche G + un nom d’axe X, Y ou Z va contraindre le déplacement des points sur l’axe sélectionné.

La touche S permet de déplacer par dilatation et donc d’étendre le rayon d’un cercle ou la taille d’un plan. S + un nom d’axe X, Y ou Z va contraindre la dilatation vers l’axe choisi.

Étendre

On ajoute des points par extrusion avec la touche E.

La démarche classique est de sélectionner les points de la vue de dessus (7), les extruder (E) puis passer en vue de côté (3) pour les déplacer à la hauteur désirée.

F cré une ligne entre deux points ou une face entre 3 points ou plus.

Une autre solution pour ajouter des points est d’utiliser l’outil Bisect pour diviser des lignes.

Extruder multiplie le nombre de points, il est probable qu’en fin de modélisation des points inutiles ont été accidentellement créés, on doit les supprimer avec les outils du panneau gauche en choisissant de supprimer les doublons (Remove Doubles).

Les faces ont une direction intérieur ou extérieur (une normale). Cette direction sera importante lorsque l’on ajoutera des textures. Le panneau droit permet de choisir la visualisation des normales (Mesh Display). Le panneau gauche permet de recalculer ou inverser ces normales (Flip Direction)

Supprimer

La touche X ouvre un menu contextuel qui permet de préciser si l’on souhaite supprimer une face, un point (vertice) ou une ligne (edge). On peut ainsi créer une arche à partir d’un cercle extrudé en anneau puis supprimer la moitié de cet anneau.

Les objets

Les objets créés peuvent être sélectionnés, déplacés, dilatés comme les points, ou tournés avec la touche R.

On peut également sélectionner les objets depuis la fenêtre Outliner, d’où l’importance de bien nommer ses objets. La touche point du clavier numérique permet alors de centrer la vue sur l’objet sélectionné.

Il faut être vigilent au point d’origine de l’objet. Ce point va être utilisé comme référence pour les dilatations ou rotations. Shift + Ctrl + Alt + C permet de définir la position de ce point d’origine.

Les objets peuvent également être copiés avec Shift + D. Ici aussi il faut être vigilent à avoir un nom explicite pour pouvoir facilement les retrouver.

Les objets sélectionnés peuvent être joints avec Ctrl + J. On obtient alors un seul objet composé des points, lignes et faces. On peut aussi créer un groupe d’objets liés avec Ctrl + P.

Symétries

Autant pour limiter le nombre de points, lignes et faces que pour éviter les erreurs de modélisation, il faut utiliser autant que possible des symétries. La fenêtre de paramètres permet d’ajouter des modifiers. La première image de ce billet montre une demi arche avec deux modifiers (masqués dans la fenêtre Outliner) : un miroir pour obtenir une arche complète de 9 m puis un array pour multiplier les arches autant que nécessaire.

Les modifiers permettent un grand nombre d’opérations que je vous laisse découvrir. On peut par exemple réaliser facilement des escaliers et même des escaliers en colimaçon si le point d’origine est bien positionné.

Camera

Les caméras ne sont pas vraiment nécessaires à la modélisation. Il est cependant utile de connaître quelques combinaisons de touches :

  • la touche 0 du pavé numérique affiche la vue de la caméra active
  • la touche F permet, avec la souris en mode “fly”, de modifier la position de la caméra courante
  • Ctrl + 0 rend la caméra sélectionnée comme caméra active
  • Ctrl + Alt + 0 utilise la vue courante pour déplacer la caméra active

Les caméras sont également très paramétrables. Un piège classique est d’oublier d’augmenter la profondeur de champ.

Intégrer le bâtiment au paysage

On peut créer des scènes très complexes en utilisant les calques (dans la barre (9) hors édition) ou ajouter plusieurs scènes dans un même fichier. M permet de déplacer les objets entre les calques. Les calques inactifs ne sont pas rendu.

Cependant il est également possible d’utiliser des fichiers séparés puis d’intégrer les éléments utiles au fichier principal. Cela permet de plus facilement répartir le travail.

Il faut “linker” les fichiers. Depuis le modèle de paysage le menu File > link permet de sélectionner notre fichier de modélisation de bâtiment. On peut ensuite naviguer dans ce fichier pour sélectionner un ou plusieurs objets à lier.

Ctrl + Alt + P dans la fenêtre 3D va créer un lien proxy. On peut alors déplacer cet objet dans la scène. Il faut cependant modifier la modélisation ou les textures dans notre fichier de bâtiment. Ces modifications apparaîtront alors dans notre fichier principal.

Inclusion du bassin d'Ars et des arches

Conclusion

Ce billet n’est qu’un aperçu rapide des grands principes et techniques de modélisation que j’utilise couramment. On peut aller plus loin en consultant des tutoriaux en ligne. Il en existe beaucoup et je peux difficilement conseiller quelques tutoriaux particuliers. Je ne suis pas trop adepte des vidéos où les détails des opérations peuvent être, à mon goût, trop rapides ou trop lents. J’imagine qu’il en existe pour tous les niveaux, à chacun de chercher le matériel adéquat. J’aborderai dans un prochain billet les textures, matériaux et lumières.

  1. On peut cependant activer des plugins (Add-ons) comme TinyCAD qui permet de gérer de façon paramétrique des portes, fenêtres, escaliers, … Le moteur physique de jeu permet d’obtenir des comportements mécaniques.
  2. Dans ce billet les particularités sont soulignées en italique. En gras les points importants à retenir.