Pourquoi en 3D

Quelques éléments de réponses pour une question qui en fin de compte est tout à fait justifiée : “Quel est l’intérêt de modéliser une cathédrale en 3 dimensions ?”

A l’origine, alors que je consultais l’article de wikipedia sur la cathédrale St-Etienne de Metz, je me suis rendu compte que je la connaissais assez mal et que certaines parties du plan ci-dessous restaient obscures.
Plan
Je me suis naïvement dit qu’il suffisait simplement de monter rapidement les murs sur un logiciel de 3D (blender) pour obtenir des informations exploitables. Malheureusement cette cathédrale ne possède presque aucun mur ! Il n’y a que des fenêtres !

J’ai donc révisé la construction de l’arc en tiers point pour obtenir ce type de fenêtre :
Fenêtre arc en tiers-point

Il est en tiers-point puisque on le construit avec deux cercles adjacents, le centre de chaque cercle permet de construire l’arc brisé opposé. Le  diamètre de l’arc brisé est de trois fois le rayon des cercles initiaux. Observez les traits de construction de la plus petite fenêtre de gauche.
Je n’ajoute pas de croquis : à cette époque il n’existe pas de manuel d’architecture avec des images. Les copies sont réalisées à la main et la qualité de la copié était loin d’être assurée. Pour s’assurer de la diffusion et de la pérennité du manuscrit, il fait obtenir au minimum mille copies. Les auteurs avaient parfaitement conscience qu’il était invraisemblable qu’un copiste non spécialisé soit capable de réaliser une copie fiable d’un dessin. Il faut alors tout décrire comme dans le De architectura de Vitruve (25 avant JC). La tradition par transmission orale est également plus facile.
On notera également l’usage du compas (ou plutôt d’un simple point fixe, d’une ficelle et d’un marqueur) pour obtenir des formes harmonieuses. Il n’y a même pas besoin de connaitre des chiffres magiques comme les adhérents aux théories ésotériques aiment l’inventer.
On a également d’autres exemples d’usage du compas et de l’équerre dans les carnets de Villard de Honnecourt.

Je me suis permis de réutiliser ce modèle de fenêtre sur toute la cathédrale mais il s’agit d’une approximation abusive qui me facilite la vie. A cette époque la notion de production mécanisée n’existe pas. Chaque pièce est unique. Le critère d’harmonie semble plus important que celui d’économie ou de performance. De plus, sur une période de trois siècles, il y aura des variations en particuliers sur les rosaces. Je vous laisse les découvrir par vous même.

J’ai obtenu cette fenêtre assez facilement en utilisant des extrusions d’un profil suivant les cercles définis par la méthode de l’arc en tiers-point.

J’ai ensuite démarré une travée à partir d’un plan de côté (en haut à droite), du plan de dessus (en haut à gauche) et d’un plan en coupe (en
bas à droite) :

Travé

Premiers constats : le plan de coupe est faux ! La proportion entre la largeur de la nef et du déambulatoire (ou bas-côté) est incohérente avec le plan de dessus. Or il est plus facile d’avoir un plan de dessus juste : il suffit de mesurer au niveau du sol, que de mesurer des hauteurs de 40 mètres sans outils modernes. De plus il existe plusieurs plan de dessus similaires. Je vais alors essayer de retrouver un plan de coupe cohérent.

On constate que l’usage du compas permet de tracer deux cercles centrés sur les grandes fenêtres qui définissent aussi bien l’arc de la voute que la hauteur des contreforts et de la travée. C’est peu probable qu’il s’agisse d’un hasard. La modélisation 3D permet déjà de faire apparaitre cette information originale.

Vous noterez sur la vue 3D en bas à gauche, la proportion impressionnante de la surface occupée par les fenêtres sur la façade d’une travée. Sur environ 44m de haut, il n’y a que 2 m de mur continu à la base du bas-côté. Cela vaudra à la cathédrale St-Etienne le surnom de “lanterne de Dieu”.

Il suffit ensuite de copier cette travée pour obtenir la nef principale :
Nef

Après la nef, il a fallu s’attaquer à ce qui s’apparente sans doute au véritable “secret” des maitres d’œuvre du moyen âge : l’élévation du plan. Ou comment à partir du plan au sol, on élève les étages supérieurs de façon harmonieuse.
Ici c’était simple : tout est déjà élevé. Il faut juste aller voir. On s’est alors rendu sur place avec ma fille pour identifier quelques éléments qui nous posaient problème. Comme par exemple la continuité du triforium :

Une autre observation intéressante lors de la modélisation en 3 dimensions, c’est lors de l’ajout de Notre Dame de La Ronde, l’actuelle entrée principale qui est en réalité une église perpendiculaire à la nef fondue dans la cathédrale au XIVème siècle.

Contrairement à l’apparence extérieure les contreforts (ou plutôt: les piliers de culée) de la façade sont plus court : observez la vue de coupe en bas à droite.

Notre Dame la Ronde

Je m’attaque maintenant à la crypte, dont je n’ai pas de plan. On verra ce que la modélisation fera apparaitre …