Aqueduc Gorze Metz en 3D

Voici un nouveau thème pour ce blog. Je vous propose de vous dévoiler mes divertissements sur la représentation 3D de l’aqueduc romain de Gorze à Metz.
Cet aqueduc long de 22km a été construit au début du IIème siècle et était destiné à alimenter la cité de Divodurum (Metz). S’il n’a sans doute plus été en activité dès le Vème siècle, les vestiges du pont qui traverse la vallée de la Moselle, entre Ars et Jouy-aux-Arches sur plus d’1km, sont toujours visibles et frappent les esprits.
Les dernières restaurations ont enrichi les sites d’Ars et Jouy de panneaux très complets, clairs et pédagogiques qui agrémentent la visite.
Aujourd’hui, même si l’article Wikipedia n’est actuellement pas très riche, on trouve de très bonnes ressources en ligne comme le site Archeographe. J’utilise également l’article très complet de la Carte Archéologie de la Gaule1, ou encore, les Mémoires de l’Académie de Metz pour les articles de Victor Simon2 au XIXème siècle.

C’est suite à quelques discussions avec Claude Lefebvre, l’archéologue qui a dirigé les dernières études et restaurations, que je me suis décidé à démarrer ces représentations. La qualité de la documentation en ligne étant largement suffisante, cette nouvelle série de billets va surtout aborder des questions de représentation graphiques en 3D.
Pour commencer, la première image ci dessous est un rendu rapide réalisé, il y a déjà quelques années, pour défricher les difficultés :

Premier rendu rapide et peu précis

Si ces premiers rendus sont prometteurs sur la représentation de l’environnement ou la prise en compte de la dimension de l’ouvrage, je suis cependant resté bloqué un certain temps sur des difficultés de précision.
Les «cubes volants» sur l’image ci-dessus, sont la position des piles existantes telles qu’elles ont été référencées dans les sites cartographiques en ligne comme Google Map ou OpenStreetMap. Les écarts entre les arches générées en 3D et les positions référencées ne permettent pas de positionner précisément les bassins amont et aval. Si on se satisfait de ces approximations, l’usage de la 3D ne serait alors que décoratif. Nous verrons dans les billets à venir qu’il est aujourd’hui possible d’utiliser des outils open source pour obtenir des représentations de qualité avec une bonne précision. L’usage de l’open source nous permet également d’avoir confiance dans la pérennité des données.

En attendant, voici les premiers résultats:

Curieusement sur OpenStreetMap, seules les piles de Jouy ont été référencées alors que Google Map ne contient que les piles d’Ars. À l’origine j’utilisais QGis pour récupérer ces données, les transformer puis les traiter dans le logiciel de 3D Blender.3 Ces manipulations de données augmentaient l’imprécision. Aujourd’hui Blender permet de traiter directement ces informations. Cela sera présenté dans un futur billet.

Données Google Map Ars Données OpenStreetMap Jouy

Une première modélisation rapide de 124 arches, de 9m d’espacement, sur 1,1km montre une très bonne continuité depuis les arches d’Ars jusqu’à Jouy. Ci-dessous les piliers gris clair sont une élévation des piles existantes. Les pré-visualisations ci-dessous sont réalisées sur des images “satellites” (en réalité des vues d’avion géolocalisées) de Google Map.

Preview 3D et GPS Ars Preview 3D Jouy

Sur la vue d’Ars, ci-dessus, on peut noter les cubes bleus. Ce sont mes relevés GPS depuis un smartphone (la précision annoncée est de 3m). Le premier cube à gauche est la localisation du bassin amont, juste sous la courbe de niveau de 200m. J’ai mesuré une altitude de 196,1m, identique aux données de la littérature archéologique.
Une première curiosité est également observable : le seule pile qui ne correspond pas avec la modélisation 3D est la pile isolée en bord de route à Ars. La pile théorique se trouve au milieu de la route. On pourrait imaginer que cette pile a été déplacée. Cependant la littérature depuis le XIXème siècle ne le mentionne pas. C’est alors peu probable. Plus vraisemblablement, les arches au dessus de la rivière devaient être plus espacées que les 9m des vestiges existant. Cet espace limité aurait provoqué un effet de barrage lors des crues. La continuité entre Ars et Jouy montre que cet espacement, aujourd’hui indéterminé, est un multiple entier.

Blender me permet de représenter une zone de 200km². La vue ci-dessous fait apparaître les positions GPS des vestiges de la partie enterrée de l’aqueduc. Ils sont aujourd’hui visibles depuis la route entre Novéant et Gorze. Le tracé de cette partie enterrée suivait la courbe de niveau de 200m jusqu’au pont. Un prochain article détaillera comment obtenir cette représentation du terrain sur Blender et y ajouter les courbes de niveau ou les relevés GPS depuis QGis.

Preview GPS Novéant

Pour terminer, la dernière vue ci-dessous peut sembler moins belle que la première vue en tête de ce billet. Mais la correspondance entre la modélisation 3D et les relevés des 16 arches de Jouy, montre que le précision de la modélisation est désormais satisfaisante.

Preview 3D

Les prochains billets me permettront d’aborder les questions de modélisation du terrain, de la végétation, des bâtis, des textures et des lumières.

Je n’ai pas encore modélisé le bassin aval et je me pose encore des questions sur l’éclairage ou l’aération de la double canalisation qui surplombe le pont.

… cependant je ne m’engage sur aucun délai. Merci pour votre patience.

  1. LEFEBVRE (C.), L’approvisionnement en eau de Metz durant l’Antiquité, in CAG, Metz (57/2), 2005, p. 95-103.
  2. Recherche de Aqueduc dans les Mémoires de l’Académie de Metz sur Gallica
  3. QGis est un logiciel de cartographie. Blender un logiciel de 3D. Ces deux logiciels sont open source : le format des données est totalement défini, connu et maîtrisé. Les données mises à disposition par le projet OpenStreetMap sont également open source.