Les ecclésiastiques

Continuons notre progression dans la découverte des statues du portail de la vierge de la cathédrale St-Etienne de Metz.

Juste après les représentations symboliques de l’Église et de la synagogue, nous avons un groupe de quatre ecclésiastiques :

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L’identification du premier personnage est élémentaire pour qui connaît les légendes de Metz : il s’agit de Saint Clément (IIIième ou IVième siècle - 95 d’après la légende) qui tient en laisse le Graoully. Premier évêque de Metz, il débarrasse la vile du dragon qui la terrorise en le noyant dans la Seille après l’avoir attaché par son étole.

À son côté un pape, reconnaissable au port de la tiare : le bonnet conique des empereurs d’orient (les derniers empereurs romains). On en reparlera plus tard …

En face de St-Clément, un évêque qui lui porte la mitre également facilement identifiable par son anneau :

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C’est Saint Arnould ou Arnoul ou Arnufl 29e évêque de Metz de 613 à 628. Je vous laisse lire la légende de cet anneau qui est toujours visible dans le trésor de la cathédrale.

En tant que arrière grand père de Charles Martel - lui même grand-père de Charlemagne, le saint évêque Arnoul sera la caution religieuse de la dynastie carolingienne. Metz deviendra le grand centre religieux de la dynastie et vers 800 comptera 23 églises pour 6000 habitants (26 pour Paris). L’abbaye de St-Arnoul accueillera les dépouilles de la femme et la fille de Charlemagne ainsi que sont successeur et fils, Louis le
pieux.


À coté de St-Arnoul, notre dernier ecclésiastique à un étrange chapeau : un galero. De couleur rouge, il désigne depuis le concile de Lyon 1 de 1245 un cardinal. C’est le signe iconographique traditionnel de Saint Jérôme (340-420).
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St-Jérôme est le traducteur de la bible du grec au latin : la Vulgate qui deviendra la version la plus diffusée puis la version de référence. St-Jérôme est considéré comme un des quatres Pères de l’Église.

On peut en déduire que le pape qui lui fait face est alors Grégoire 1er (504-640), seul pape parmi les Pères de l’Église.

Grand réformateur de la liturgie, on lui attribue les chants grégoriens, même si en réalité c’est Chrodegang évêque de Metz sous Charlemagne, qui associe le chant gallican et la pratique romaine un siècle plus tard. On notera le riche exemplaire de la bible de St-Grégoire :

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La crucifixion avec le soleil et la lune n’a rien d’ésotérique. C’est un thème classique depuis le IXième siècle, hors les eclipses citées par les évangiles synoptiques, c’est également le symbole du passage de l’ancien au nouveau testament. Pour ceux qui y voient des ovnis je vous laisse consulter cette page d’exemples d’usages de la croix, du soleil et la lune dans l’art médiéval. Si l’on observe la tiare papale, on constate qu’elle comporte trois couronnes. La première est celle de Clovis. La troisième n’apparaîtra que en 1342 à partir de Clément VI.

On pourrait sourire des anachronismes relevés entre la date d’apparition des attributs (galero, tiare) et les dates de décès des personnages mais l’objectif des artisans sculpteurs ou du maître d’oeuvre n’est pas historique mais symbolique. Les symboles permettent d’identifier les personnages et sont parlant pour leurs contemporains. Ici l’élément le plus curieux est peut-être la coiffe de Saint Clément, y aurait-il une volonté de le représenter comme un ancien ? une légende ? Ce groupe d’ecclésiastiques nous permet de progresser sur la datation des statues du portail. Ce n’est certainement pas avant 1245, le galero n’était pas d’usage. Ce n’est sans doute pas avant 1342, la tiare papale n’a pas encore trois couronnes. On peut même imaginer que Saint Arnould soit très ressemblant avec l’évêque en fonction au moment de la livraison de sa statue.
On constate que ces saints ne portent toujours pas d’auréoles.