Cathédrale de Metz les changements de plan visibles sur la façade Nord

Vous avez déjà vu la photo ci dessous de la façade Nord de la cathédrale de Metz. On s’attarde habituellement à la grande sculpture du Christ sur la tour du Chapitre ou les figures symboliques sculptées sur le portail nord de Notre Dame de la Ronde. J’aborderai peut-être un jour ces questions mais dans ce billet nous allons plutôt découvrir quelques détails moins courants qui illustrent les changements de plan effectués au cour du XIIIème siècle.

Nous allons commencer par nous approcher du portail Nord (portail Saint Etienne), sous la tour du Chapitre.

Si vous observez attentivement ou si vous zoomez l’image ci-dessus, vous verrez apparaitre, comme sur les photos retouchées ci-dessous, les traces d’amorce d’arc en tiers points.

Il s’agit des traces d’un grand portail d’entrée sous la tour du Chapitre. Il est très certainement daté du début des travaux de reconstruction dans le style gothique entre 1220 et 1240. À ma connaissance aucun texte n’en fait mention, ni pour une construction, modification ou destruction. Ce projet n’a sans doute jamais été réalisé.

Juste à droite de ce portail, entre la tourelle d’escalier et le portail nord de Notre Dame de la Ronde, vous pouvez observez sur la photo ci-dessous au niveau de la frise la naissance d’un arc en tiers point :

Il n’existe pas non plus à ma connaissance de texte qui explique cet arc inachevé ou détruit. C’est ici qu’au XIXème siècle Auguste Prost dès 1846 ou l’auteur anonyme de la Notice historique sur l’église cathédrale St Etienne de Metz en 1861 imagine une ruelle séparant les deux églises. Ce dernier auteur propose comme nom : “ruelle du Beffroy ou aux Sonneurs” malheureusement il ne cite pas ses sources, cette information est donc difficilement vérifiable. Dujardin, le sculpteur, estime en 1878¹ que l’existence de cette ruelle est peu probable, le contre-buttement des murs ne permettrait pas d’avoir une ruelle d’au moins 1m de large.

À gauche du portail, vous pouvez encore observer les grandes fenêtres (la claire-voie) un autre projet abandonné:

Notez que les colonnettes ont été brutalement arrêtés et les meneaux des fenêtres ont été coiffés d’un pinacle. Pour A. Villes c’est le signe d’un changement de plan².

Le plan initial prévoyait une nef plus large et sans doute moins haute. A. Villes propose deux hypothèses² : soit un triforium à mi-hauteur comme à Saint-Denis ou Strasbourg, soit uniquement deux niveaux, un clair-étage sans triforium comme à Toul ou Saint-Vincent de Metz. La nef aurait eu une hauteur de 30m et donc assez classiquement le double de sa largeur.

Pour terminer, vous pouvez examiner l’envers de ces fenêtres à l’intérieur de l’édifice et plus particulièrement le triforium :

Vous remarquerez sur la photo ci-dessus la corniche trilobée qui supporte le triforium. En particulier les bases des colonnettes s’appuient sur le bord de l’épaisse corniche. Il s’agit donc ici d’un épaississement du mur des grandes arcades et d’un rétrécissement de la largeur de la nef. Habituellement l’usage d’arcades aveugles est plutôt une astuce esthétique pour amincir l’aspect des murs porteurs.

Ce dernier changement de plan aurait eu lieu après le début de la reconstruction de Notre Dame de la Ronde. C’est la bulle du pape Alexandre IV qui accorde en 1260 l’usage des revenus des prébendes aux chanoines de Notre Dame de la Ronde³ qui permet généralement de dater la dernière reconstruction de la collégiale. On peut alors raisonnablement estimer l’élévation du premier étage et ce changement de plan entre 1270 et 1275.

Ce billet a essayé de vous présenter quelques éléments observables à l’oeil nu qui permettent en fin de compte de se poser encore plus de questions sur la construction de la cathédrale Saint-Etienne de Metz. J’ai profité de l’occasion pour aborder assez rapidement quelques hypothèses actuelles sur les travaux de construction. Cela me permet également de compléter l’information de la vidéo sur les travaux du XIII^e siècle. Pour les ayatollahs des chronologies officielles, n’oubliez pas qu’il s’agit d’hypothèses scientifiques, elles sont donc valables tant que personne ne démontre le contraire.

Références hors texte :

¹Dujardin, «Notes sur la cathédrale de Metz», Mémoires de l’Académie Nationale de Metz, 1877 -1878.

²Alain Villes, «Remarques sur les campagnes de construction de la Cathédrale de Metz au XIII^e siècle», Bulletin Monumental, Tome 162-4, 2004.

³J.-B. Pelt, «Études sur la Cathédrale de Metz. Textes extraits principalement des registres capitulaires (1210 - 1790)», Note 4, Metz, 1930.