Portail de la vierge, Sibylles Prophètes Vieillards Anges et Rois

Sebcaen-Wikimedia-Detail_Metz_Cathedrale.JPG Je suis un peu débordé ce mois-ci. Comme vous avez pu le constater, il n’y pas eu beaucoup de billets. En plus je voulais vous parler de l’intrados du portail de la vierge de la cathédrale de Metz et mes photos sont de piètre qualité. Je n’ai pas plus eu le temps d’aller les améliorer et la lumière de ce mois d’octobre n’est pas souvent exploitable. Je suis alors parti en piocher dans Wikimedia. Merci alors à Sebcaen pour la photo ci-contre et Vassil pour les photos suivantes.

L’intrados est la face intérieur de la voute du portail. Il est essentiellement constitué de cinq rangées de dix personnages assis.  La photo d’ensemble du portail réalisé en 1868 par Gonzalve Malardot lors du dégagement des constructions de Blondel du portail illustre parfaitement que ce groupe de statues est une création, supervisée par Paul Tornow, de 1885.

Paul Tornow s’est inspiré des cathédrales gothiques de l’Est et du Nord de la France. Je n’ai pas réussi à identifier exactement de quelles cathédrales il s’est inspiré pour cet intrados mais vous verrez que l’on retrouve des thèmes classiques du XIIIième et XIVième siècle.

Voici la meilleur vue d’ensemble dont je dispose. C’est un extrait d’une photo de Vasili sur Wikimedia. Elle n’est pas complète mais si vous cliquez dessus vous pourrez la consulter en très haute résolution.

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Au sommet de la voute, on trouve le ciel. Les bustes d’enfants représentent le massacre des saints innocents : les enfants de moins de deux ans tués sur ordre d’Hérode lors de la naissance de Jésus.

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À droite, (vous pouvez également cliquer pour les voir en haute définition) la première rangée de statues couronnées représentent les anciens rois. Ils illustrent la généalogie de Jésus qui serait un descendant du roi David. D’après l’évangile de Mathieu, de Jessé (père de David), en passant pas Salomon (fils de David), 28 générations royales ont précédé Jésus. On retrouve ces 28 descendants royaux à Notre Dame de Paris dans la galerie des rois. L’évangile de Luc présente une autre généalogie où, à partir de David, ont trouve 56  rois différents. Cette liste est interprétée par les exégètes comme la généalogie de la vierge. On retrouve ces 56 rois dans la galerie de la cathédrale Reims.

Au XIXième siècle on pensait encore communément que ces statues représentaient les rois de France. Les statues de Notre Dame ont d’ailleurs été décapitées à la révolution. Les statues actuelles sont des restaurations de Viollet-le-Duc, 21 têtes originales ont été retrouvées en 1977. Émile Male a démontré que ces statues représentaient les rois de Judas en relevant ces concordances de dénombrement ou des attributs comme la fleur de Jessé. (L’art religieux du XIIIième siècle en France).

Paul Tornow a donc fait preuve de modernité en suivant dès 1885 les théories de Male. Il donne sa liste de rois dans “Portail de Notre Dame”, 1885, Librairie Even Frères : de droite à gauche David - Salomon - Roboam - Abia - Asa et ensuite Josaphat - Joram -Osias - Jotham - Achaz, soit uniquement les dix premières générations de l’évangile de Mathieu.

Au moyen-âge, David est classiquement représenté avec un instrument de musique, généralement une harpe ou plutôt un psaltérion. En tant qu’auteur du livre des Psaumes, il est considéré comme un roi poète et musicien. Les autres rois musiciens représentent l’harmonie des bons gouvernements. On retrouve des rois musiciens à Amiens ou dans les voussures d’un des portails de Reims. Ces statues sont très certainement les références de Dujardin qui sculpta ces figures du portail de la Vierge.

La seconde rangée n’est pas très intéressante. Elle est composée de dix anges sans attributs particuliers.

Sur photo ci-dessus la dernière rangée représente d’après Tornow, les vieillards de l’apocalypse. Comme pour les anges, il n’y a que dix statues alors que l’apocalypse de Jean parle de 24 vieillards vêtus de blanc et portant des couronnes d’or qui entoure le trône du Christ. Ce thème est courant sur les portails de cathédrales traitant du jugement dernier. On citera en particulier pour la période gothique le portail royal de la cathédrale de Chartres. Les vieillards sont souvent associés aux 12 apôtres et 12 prophètes de l’ancien testament.

Sur la photo suivante on voit apparaître la quatrième rangée qui contient la représentation de 5 prophètes Zacharie - Isaie - Daniel - Amos -Ezzchias.  Le prophète Daniel est ici représenté jeune et non dans la forme plus classique où il dompte les lions. Il s’agit sans doute d’une référence à Daniel jugeant les vieillards qui importunèrent Suzanne.

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En face on trouve 5 patriarches Adam - Abraham - Jacob - Joseph - Melchisédech.  Sur la photo ci-dessous (ma meilleur photo), on reconnaît Adam vêtu d’une peau de bête.

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Pour terminer, la dernière rangée est constituée de femmes portant livres ou phylactères. Il s’agit des Sybilles.
Ces prophétesses antiques dont les oracles étaient précieusement conservées par les romains sous forme de livres (les livres sybillains)  étaient connues au moyen-âge par Ovide et Virgile mais surtout par les pères de l’Église en particulier par Saint Augustin (354-430). Ces références païennes permettaient d’affirmer que la venue du Christ était déjà prédites dans l’antiquité.

Si l’on compare les sculptures de l’intrados du portail de la vierge de la cathédrale de Metz, aux portails originaux du XIIième au XVième siècle, on peut noter qu’il ne s’agit pas d’un ensemble cohérent. On y trouve pour commencer trois thèmes différents : l’origine messianique de Jésus, le jugement dernier et les oracles antiques. Ensuite l’usage de figures de l’ancien testament comme les prophètes et les patriarches est habituellement utilisé dans la sculpture monumentale romane ou gothique pour illustrer le parallélisme entre ancien et nouveau testament. L’ancien testament annonçant en quelque sorte ce qui sera réalisé par le nouveau testament. On ne trouve pas de trace de ces parallélismes dans cette restauration de 1885.
On peut rapprocher ces incohérences des questions que je me posais dès mes premières observations sur les statues monumentales des ecclésiastiques.

Cette restauration hasardeuse illustre l’état des connaissances au XIXième siècle aussi bien en restauration qu’en iconographie médiévale. Il serait également intéressant de retrouver exactement de quelles cathédrales Paul Tornow s’est inspiré.